La pratique de l’hypnose en contexte médical est connue depuis le XVIIIème siècle, et notre compréhension de ses apports n’a jamais cessé d’être éclairée depuis (Stewart, 2005; Wolberg, 2013). En contexte médical, l’hypnose peut être mobilisée pour de nombreuses applications :
L’hypnose s’avère également particulièrement efficace pour la gestion du stress et de l’anxiété, pour la gestion de symptômes, notamment en situation de maladie chronique, ou encore pour la préparation préopératoire.
Aujourd’hui, ces mécanismes sont de mieux en mieux compris. L’hypnose peut être résumée à la juxtaposition (i) de techniques de configurations d’attentes qui orientent les anticipations, (ii) de techniques de suggestions qui orientent le vécu, et (iii) de techniques d’induction d’état modifiés de conscience qui modifient la physiologie et l’expérience subjective.
Ensemble, ces procédés produisent des expériences hypnotiques, qui peuvent être utilisées en contexte médical pour soutenir différents actes concrets : analgésie, modification émotionnelle, récupération, développement d’aptitudes, etc.
Par exemple, en situation de soin, l’hypnose peut modifier la perception de la douleur, l’attention aux traitements, les affects et les ressentis, ou encore les réactions physiologiques. De simples techniques suggestives et inductives, faciles à apprendre, facilitent ces différentes modifications. Combinées, elles changent radicalement le rapport entre le patient et le soin, et facilitent ainsi l’intervention du personnel médical.
Tout au long du XXème siècle, l’hypnose et ses effets ont été décrits depuis différentes perspectives et théories. Jusqu’aux années 1990, deux théories s’opposent :
Aujourd’hui, les approches scientifiques de l’hypnose combinent des aspects de ces deux théories, pour contrôler méthodiquement l’implication des nombreux facteurs qui participent ensemble à l’expérience hypnotique. État d’hypnose et suggestions sont ainsi vus comme agissant ensemble pour orienter le vécu.
Pour cela, l’hypnose mobilise différents mécanismes neurophysiologiques, qui agissent au niveau de la perception, de la cognition, des émotions, de la motivation, et de l’action. Les expériences hypnotiques ne corrèlent pas à l’activation d’une aire cérébrale dédiée, mais à des modifications d’activité sur plusieurs réseaux cérébraux. En particulier, le réseau de contrôle exécutif, impliqué dans la sélection des réponses cognitives et comportementales à des stimuli ; le réseau de saillance, impliqué dans l’attention et le traitement de l’information perceptuelle ; le réseau par défaut, impliqué dans les pensées automatiques et la conscience de soi (Landry et al., 2017).
Elles impliquent également des changements dans le couplage habituel entre différents réseaux (Egner et al., 2005). Ces dynamiques cérébrales particulières éclairent les changements du vécu sous hypnose.
Par exemple, elles expliquent l’effet de techniques imaginatives, qui contribuent aux analgésies hypnotiques par la réduction de l’intensité de la douleur perçue, mais aussi par le découplage entre cette intensité et l’affect, qui peuvent être modifiés indépendamment l’un de l’autre (Rainville, 2002). De même, elles expliquent les capacités de régulation émotionnelle liées aux expériences d’absorption hypnotique, en éclairant les différents changements d’affects et de réactions.
Des approches plus récentes, issues des sciences cognitives, apportent des précisions quant aux mécanismes et aux effets de l’hypnose, avec de nouveaux moyens d’observation et de nouveaux concepts. Elles indiquent que les suggestions activent des modèles internes de travail et des processus top-down – ou descendants – prospectifs et inférentiels. A partir de représentations du monde, ces processus agissent directement sur l’attention, la motricité et la perception. Par nos mécanismes d’anticipation, ils modifient tant l’expérience subjective que les schémas cognitifs-comportementaux (Lupyan & Clark, 2015; Terhune et al., 2017).
L’hypnose se comprend alors comme une technique imminemment prospective, qui peut agir sur le vécu immédiat, mais aussi sur le vécu ultérieur, à différents niveaux : physiologique, attentionnel, émotionnel, etc.
Ainsi, l’hypnose n’apparaît plus comme une méthode de relaxation, qui nécessiterait un contexte calme, mais comme une véritable technique d’orientation et de préparation du vécu dans des situations à venir, adaptable à tout contexte. Même au cœur de situations très animées telles que les situations d’urgence médicale, l’efficacité et l’intérêt des suggestions se clarifie. Par ailleurs, ces approches valorisent le rôle actif des attentes du patient pour contribuer à son vécu (Lynn et al., 2015; Barrett & Satpute, 2019). Ces représentations, le plus souvent inconscientes, participent à son expérience. En contexte médical, elles influencent donc directement son expérience des dispositifs médicaux, et ses réponses comportementales. Ces approches étayent donc à nouveau la pertinence de l’hypnose, qui s’adresse directement aux attentes et aux représentations d’un patient. Elles permettent de distinguer les nuances dans la communication entre persuasion et suggestion, et ainsi de mieux utiliser cette dernière. Ces regards modernes rejoignent les approches dites constructivistes de l’hypnose, qui proposent d’explorer la construction de l’expérience vécue individuelle, pour mieux l’orienter (Kruse, 1989). Ils invitent d’une part à maîtriser des techniques hypnotiques générales et communes à tous, et d’autre part à les appliquer en respect de la singularité du patient.
Ces approches académiques de l’hypnose ont été combinées à notre expertise de terrain lors de la construction de notre programme de formation. Notre application de l’hypnose s’inscrit dans un courant d’accompagnement basé sur les travaux de Milton Erickson, d’où provient le terme « hypnose ericksonienne ». Cette méthode soutient elle aussi une adaptation aux spécificités du patient, et un mode de relation centré sur celui-ci et sur son contexte.
Il s’agit ici d’explorer les mécanismes cognitifs du patient, et de développer ses potentiels. Par exemple, en situation de gestion de douleur chroniques, il s’agirait de s’intéresser au vécu du patient pour identifier sa façon personnelle de percevoir, de ressentir et de se représenter ses douleurs. Ces données phénoménologiques constituent alors un point de départ pour explorer, avec lui, des moyens de moduler son expérience et ses habitudes comportementales. Cet aspect relationnel vise à favoriser des apprentissages et des changements cognitifs, comportementaux et émotionnels (Erickson & Rossi, 1979).
Notre approche de l’hypnose peut être ainsi être vue comme une méthodologie de la prise en charge, particulièrement efficace pour certaines applications médicales, et qui peut s’intégrer à tout savoir-faire antérieur. Avec un fonctionnement clarifié, les techniques hypnotiques et leurs contextes d’application s’apprennent facilement. Suggestion, jeux narratifs, techniques inductives, mobilisation de l’attention et technique de questionnement s’apprennent comme un langage naturel, qui devient une compétence intégrable à toute application. Notre formation s’adresse à ces différents aspects pédagogiques : compréhension et savoir-faire, en vue d’acquérir de nouvelles techniques simples, efficaces, et ciblées.
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